Il y a dix jours, un appel anonyme a été posté sur le site dissident chinois Boxun, basé aux Etats-Unis, encourageant à imiter la révolution tunisienne dans 13 villes chinoises. Samedi, le mouvement concernait 27 villes. «Nous invitons tous les participants à se promener, à jouer les badauds. Le simple fait que vous soyez présents fera trembler de peur le gouvernement autoritaire», écrivent les auteurs de ce tract en ligne. Ils ne demandent pas ouvertement un renversement du Parti communiste, mais souhaitent une démocratisation du pouvoir et l’«indépendance de la justice».
Alors la Chine peut-elle vraiment suivre le même chemin que les pays arabes?
Certains pensent que oui si l'on s'attarde sur quelques faits précis:
En effet, le Parti regarde et suit de très près ce qui se passe dans ces pays et n'est pas rassuré. J'en veux pour preuve la suppression par les autorités des termes "Tunisie", "Egypte", "Jasmin" et "démocratie" du lexique Internet et même du langage SMS! Cela va très loin dans l'usage technique du contrôle des diffusions d'informations.
Les journalistes, surtout étrangers, sont très surveillés. Arnaud de Lagrange, correspondant du figaro raconte:
"Et ce matin, coup de téléphone du ministère de la Sécurité publique sur mon téléphone portable, avec un nouveau rappel à l'ordre: « Je vous informe que tous les journalistes se rendant dans le secteur de Tiananmen et de Wangfujin doivent demander des autorisations avant de parler à quiconque. Vous devez obéir aux ordres ».
Et de préciser: "On est loin, on le voit, des promesses et acquis de la Chine olympique en matière de liberté de la presse." Alors oui, on est en mesure de penser que la rue pourrait avoir le dessus comme nous le relate Emilie Torgement, correspondante de BFM TV à Shanghai.
Pourtant, je pense non. Et ce, pour plusieurs raisons.
D'un point de vue social d'abord, les populations ne vivent pas du tout les mêmes problèmes. En Chine, globalement, on mange à sa faim, le taux de chômage est très réduit, le pays est en plein essor. Même si l'on parle d'une croissance tunisienne de 4,1% et Egyptienne de 5,3% en 2010, on est très loin des 10% Chinois et leur 2ème place dans l'économie mondiale. De plus, les contestations sont souvent locales (taxis de Nanjing, corruption d'un représentant, usine Apple). Rien qui ne s'apparente à une problématique commune à tous.
N'oublions pas non plus que la Chine est un pays laïc et que les musulmant y sont plutôt considérés comme une menace. Dés lors, comment trouver des similitudes?
D'un point de vue politique, certains diront que la Chine subit depuis quelques temps des complications face au prix de l'immobilier, d'une baisse du pouvoir d'achat, etc. Mais le gouvernement est bien conscient de ces problèmes et revendique un grand nombre d'actions en terme de lutte contre l'inflation, répartition des richesses, modernisation des campagnes, mais également dans la lutte contre la corruption. Les chinois se sentent donc protégés par le pouvoir étatique. On se rend bien compte ici que le peuple n'est pas sous le joug d'un "père fouettard" ou d'une dynastie familiale. Au contraire, le politique se veut proche du peuple comme on a pu le voir lors du terrible tremblement de terre du Sichuan.
En clair, la majeure partie du peuple est plus préoccupée par l'éducation de son enfant et son augmentation de salaire que par les révolutions de ces pauvres musulmans. La Chine manque d'un terreau contestataire qui soit suffisamment puissant et solide pour tenir vraiment une révolution... tant qu'il y aura de la croissance.
Pierre